samedi 5 mai 2012

Ces sœurs mariales

Michel Valprémy



ces sœurs mariales, ces nonnes au teint de cierge, ces zélatrices sous la bure, pieds et mains déformés par les engelures, ces saintes femmes extasiées, roides, béates, le cœur percé d'une flèche d'or, douce et cuisante, la poitrine sèche, le flanc inondé de lumière iridescente, les chevilles et les poignets dégouttant du Précieux Sang, ces pénitentes mortifiées, ceinturées de punaises et de semences, couchées les bras en croix, la face contre le pavement glacé, les reins et les cuisses écorchés par le chat à neuf queues, qui jettent les lambeaux de leur chair dans le trou des latrines, ces moines châtrés qui redoutent encore la fragrance du cinnamome, les effluves de l'encens, le cou laiteux des novices, ces ermites troglodytes et aveugles, ces anachorètes dans le désert, ces stylites debout, immobiles sur une jambe, tourmentés par les mouches, infestés de vermine; comme les plus rigoureuses, comme les plus parfaits, ne rien avaler, quarante jours durant, boire l'humidité des tombeaux ou, peut-être, au commencement, après la pluie, glisser la langue sur les feuilles de houx, la tige des rosiers, entrer très vite en macération, charogne puante, fondre, rétrécir et, enfin, sans toucher les bords, passer par le chas d'une aiguille


LPDA n°77, mars 1986

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