dimanche 28 novembre 2010

Transcription/Exposition de deux pages manuscrites du Journal de Michel Valprémy, par Emmanuel Aragon

 

Pour l'exposition collective Hors de nous, à l'espace29 - Bordeaux, du 25 novembre au 18 décembre 2010, chaque artiste invite un autre artiste, invente un dialogue entre deux œuvres.

 

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(travail en cours)

Présentation de Emmanuel Aragon :

J'ai découvert il y a peu l'écriture manuscrite du journal de Michel Valprémy, écrivain, poète et danseur. Au premier regard sa graphie donne l'impression d'une langue étrangère, d'où émergent seulement quelques mots lisibles. Sa minutie est fascinante, le soin de la mise en page, de quelques minuscules collages de feuilles sèches ou de fragments de papiers déchirés de part et d'autre.

Elle m'a parlé immédiatement de l'invention d'une écriture par le corps, de la place que je cherche pour la respiration, la retenue et l'énergie, la venue des mots avec la main.

J'ai ensuite appris au moment d'emprunter quelques pages de ce texte pour l'exposition, quelques histoires sur leur nature. La disparition de Michel Valprémy en 2007, et la place de ce journal, tenu quasi secrètement depuis plusieurs dizaines d'années.

Puis vient le moment d'apprendre à le lire, comprendre les incroyables a, s, g, les l et t souvent identiques, les r et n aussi, les e parfois invisibles… Je lis de plus en plus facilement, certains mots résistent plusieurs jours, mais le texte s'offre, apaisé, d'une langue à la fois raffinée, acérée et intime. S'y croisent (dans les pages exposées, de juillet et août 2007), des notes de mémoire sur sa résistance physique, sur ses rencontres personnelles et d'écrivain, sur ses émotions de spectateur, d'ami.

J'essaie de continuer sur la table et sur le mur mon travail d'écriture de voix, de trouver une lisibilité et une discrétion à la fois pour ce texte qui ne m'appartient pas. “

> à voir : http://emmanuelaragon.canalblog.com

lundi 22 novembre 2010

L’invasion des profanateurs

Michel Valprémy

Invasion des profanateurs

Collection Electre, Arras, Juin 1989

dimanche 14 novembre 2010

Michel Valprémy, une Chronologie. 1è partie : 1947 - 1991

par Joëlle et Pierre D. (1)

 

1947

Naissance le 3 juin 1947, à Tocane-Saint-Apre (Dordogne), de Michel, Angel, François Valprémy, fils d'Abel Valprémy et de Ginette Dumîas, tous les deux fonctionnaires des P.T.T. Un frère aîné, Pierre, Roger, Arnaud, a vu le jour le 7 Mai 1946, le benjamin, Jacques, André, naîtra le 9 octobre 1949. L'été 47 fut particulièrement chaud.

1950

Pour le Noël des P.T.T., son père lui offre de la pâte à modeler ; ses frères reçoivent chacun une locomotive.

Sa toute petite enfance est heureuse. Ses parents habitent Périgueux, mais les dimanches, les jours fériés, les petites et grandes vacances se passent dans la campagne du Ribéracois, le plus souvent chez ses grands-parents paternels, Angel et Marie, dite Texille. "Imagine — et je n'invente rien — ce petit village, Douchapt, une centaine d'habitants, où, chaque jour, je côtoyais des pupilles de l’Assistance, des réfugiés polonais, espagnols, des demi-fous (dont un conteur salace), un nain, une sourde-muette, une bossue, des sourciers, des sorciers, une femme au mauvais œil, un curé alcoolique... Je les côtoyais, je les aimais. Imagine la vieille ferme, le tas de fumier devant la porte, les cabinets de l'autre côté de la route, imagine les granges pleines d'odeurs, les remises, les écuries, les labours, les vendanges, les oies que l'on gardait au soleil couchant..." {Lettre à Joëlle D.). Il vouera un amour sans faille à sa grand-mère Texille, la Reine des guêpes, qui décédera nonagénaire en 1979. Dans sa bourgade natale vivent les grands-parents maternels. Siméon Dumias est couvreur-plombier-zingueur ; sa femme, Germaine, couturière, tient aussi boutique de quincaillerie où les clous, les vis, les boulons voisinent avec les coupes et les vases en faux vénitien. Une grand-tante du côté maternel, Berthe, avait épousé André Savignon, voyageur, journaliste, homme de lettres, prix Goncourt 1912 (Filles de la pluie).

Opération d'un phimosis (fimo quoi?). Le bistouri, le pus, le sang le chassent du paradis(2). "Chaque minute, j'inventerai de nouvelles combines pour que personne ne s'aperçoive du malheur" écrira-t-il dans le second Maïs.

1955

II apprend la danse classique avec Pierre Chatel, jeune danseur de l'Opéra de Paris paralysé par la sclérose en plaques. "Il était beau, extrêmement sévère pendant les leçons... Je me souviens de son odeur d'urine et de tabac froid. J'aimais cette odeur, elle m'écœurait." (Journal). Il se passionne aussi pour la musique, pour l'opéra et voit sa première Dame aux camélias qui restera son héroïne de prédilection.

1958

Obésité ; "transformé d'un seul coup, d'un seul, en montgolfière géante." On le surnomme Bouboule, plus rarement Grasalard. Dégoût du corps. "Il vivait tout habillé de noir, dans une chambre aux volets fermés et sale comme un peigne", raconte sa mère. Passable et médiocre sont les deux' pôles de sa scolarité. Il ne danse plus, n'écrit pas, ne lit pas. La musique toujours l'accompagne.

1965

II commence à tenir un journal, à écrire des poèmes, de court récits qui furent, pour la plus grande part, détruits. Guérison. Crise mystique. Lectures d'ouvrages ésotériques.

1967

Premier séjour en Italie, à Florence et Venise, "un éblouissement". Il y retournera fréquemment par la suite. Il n'a pas l'âme d'un grand voyageur. Il se rendra par trois fois au Maroc, à Tanger où vit son frère aîné et sa famille (voir Balek et Flashes). Il visitera l'Espagne, l'Egypte, la Hollande.

1968

Il habite Bordeaux et "suit" les cours de la Faculté de Lettres (section Lettres Modernes). Période de grande libération personnelle. "Dès que je quittais l'obscurité de ma chambre, mon enthousiasme intérieur était tel que j'admirais sans plus de réserve les effets de ce qu'il était convenu d'appeler le progrès tout aussi bien que les dogmes du vieux monde." (texte inédit). Il avoue avoir participé aux manifestations de mai "comme en queue de cortège", et jugé que "le meilleur du temps se vivait sur les pelouses".

1971

Le 25 juillet, son père se noie auprès de(3) lui sur la plage d'Hossegor. "Le jour était si clair qu'il tremblait."

Il termine son mémoire de Maîtrise : Gide et la peinture.

1972

II entre dans le corps de ballet du Grand-Théâtre de Bordeaux. Il y restera jusqu'en 1984. L'impossible rêve ne l'est plus. Il travaillera avec les artistes mythiques de son enfance : Wladimir Skouratoff, Yvette Chauviré, Colette Marchand, Jean Babilée, Serge Lifar. La famille du théâtre, "vacharde" et chaleureuse, lui ouvre de nouveaux horizons, ceux de la fête, de la vie nocturne et interlope.

1975

II achète avec Claude Martin une ancienne bâtisse du Libournais, au lieu-dit Robin, qui deviendra un rendez-vous d'artistes.

1981

Premières publications dans Apostrophe Magazine (Mathias Lair) et Minuit (Mathieu Lindon).

1982

Le 30 octobre, dans les caves de la Galerie du Fleuve, il participe, le corps peint par l'artiste, à un rituel, Scarification, de Jean-Philippe Thomasson, avec les saxophonistes Daniel Kientzy et Eric Tallet qui jouent une composition de Marc Tallet.

1983

II découvre l'œuvre de Luc Lauras. Son admiration ne fléchira pas. Grâce à des rencontres décisives, Katia Feijoo d'abord, puis Sylvie Couderc, il se passionne pour la peinture contemporaine.

1984

Didier Moulinier l'invite à participer à l'aventure de Chats Avalanches et de La Poire d'Angoisse. Il réalise ses premiers dessins et collages dont les fameux bittus(4) , petits personnages étiques et farceurs.

Il enseigne la danse classique.

1985-1989

Nombreuses publications. Il participe aux rencontres organisées par Alain Gibertie, Didier Moulinier, Françoise Favretto et Robert Variez, Dan et Guy Ferdinande. Il se lie d'amitié avec Christine et Thierry Dessolas, avec Jean-Pierre Bobillot et Sylvie Nève qui seront ses premiers lecteurs publics (La Reine des guêpes, les Amis de M25, Saint-Quentin-de-Caplong, été 1986). Bob & Nèv créeront, à Robin, leur Orlando Moroso, le 23 juillet 1988 et signeront la préface de Rose, Raoul et Courte-Queue (Editions Deleatur).

1991

II s'intéresse à l'archéologie de la préhistoire, "un but aux promenades". Le 3 juillet, à Robin, Jean-Pierre Bobillot dit : "Michel Valprémy, deux points, écrivain archaïque".

 

*

 

(1) Cette chronologie parue dans les Morceaux choisis de M. V. (Les contemporains, 1991) ont été rédigée par Joëlle et Pierre D., amis de l'auteur, pendant l'été 1991.

(2) Sic. (Note de l'auteur).

(3) "auprès de" remplace "avec" désormais, depuis une remarque judicieuse et bénéfique de Sylvie Nève.

(4) Dénomination due à Christophe Petchanatz, qui ajoutait : "Je mets deux t à bitte, parce que ça fait plus poignant." Ces personnages disparaîtront avec La Poire d'Angoisse.