dimanche 31 octobre 2010

Diableries. Poème du jour n°60

Michel Valprémy

1.
Puis je lave l’intruse, à mains nues, du genou au palais. Mon œil savant, mes cisailles décousent l’habit de noce (cygne et soie, cretonne pour l’envol) ; et le marteau sacré, l’outil choyé, sent la poudre et le lin. Reste un fantôme sous la toise.
 
2.
Mon ombre gît contre l’horloge, mon ombre dans l’ombre secoue ses billes, son avoine. Mon ombre fait la pluie qui dévore et ma couche où la bruyère m’enterre. « Mange ton poing ! » Les cavaliers errants fendent la bise, poitrail fumant, sexe de pierre. Mes couleurs sont louve et violette. Ma fenêtre ? un tilleul. Mon désir ? chair à chair, le bastion. J’invente sur le pouce des grelots de fortune, des gris-gris presque vifs. Ici crapauds, jonquilles ont le même âge, la même étoffe. J’épelle des noms impies, des noms de l’outremonde. Rentrent au bercail fier loustic et vierge pleins.
 
3.
J’ai la potion pour intimer l’attente. Sauvage est ma bouillie, bienheureux le blasphème. Je lis dans le miel mou, dans la cervelle des noix, dans le sable crispé des pisseuses. Mes longs drapeaux n’appellent qu’épouvantails, que goules acharnées. Demain la misaine, la friction des amphores ! Demain ! Chaste sera la nuit, une et une, tendue, un roc.
 
4.
Fioles de filles, diableries, corset, cornette, babouches d’ambre, « qui s’y frotte se tue ! » Et la peinture, la miniature : croisée, hautes tours, rixes roses à califourchon. Le fiancé mort meurt chaque nuit. Blanche cavale couche au tombeau.









 
Extrait de Le Dit d’A-M B.,  Atelier de l’Agneau, 2003

dimanche 17 octobre 2010

Plumes

Michel Valprémy

Bittus 2 (1985)

LPDA, 1985

dimanche 10 octobre 2010

Un masque, un miroir

Michel Valprémy
à Pierre Cottreau
Ce sera, Le dernier jour. Tu ne te feras pas prier. Je te mettrai un bandeau noir quand ton œil commencera ses rires. Je te conduirai par La manche. Les pieds nus sur ce chemin où vivent Les serpents, Les tarentules et Les scorpions. J'aurai lié tes mains avec un fil d'argent, je ne te délivrerai qu'à l'heure fragile des Lucioles. Je découperai ta camisole bleue, te coucherai sur le tertre des fourmis mauves, elles glisseront Leurs œufs marbrés dans tes oreilles, tes narines, ton méat, ton cul. Tu m'appelleras. J'ouvrirai tes lèvres avec la ronce et boirai le petit sang. Tu diras : "encore". J'enduirai ton corps de miel pour L'œuvre râpeuse des mandibules. Tu plisseras ton front et tu gémiras en accord. Quand La lune prendra la couleur du liège je m'allongerai sur toi. Les coccinelles, les doryphores, deux ou trois grillons, un ver de terre repu déserteront ton sexe. Je m'empalerai en te montrant ma nuque où le sculpteur sérieux gravera une vulve aquatique. On ne dira rien. Tu verras des images de rasoirs, de viande tailladée, d'obélisques géants, de sucre d'orge aminci par la langue cachou Je t'interdirai de jouir et me décrocherai pour laisser le premier vent du matin t'accomplir. Je te couvrirai de terre et de luzerne, raserai tes cheveux (ou je ferai semblant) et, quand midi sonnera, sous la loupe je chaufferai tes tempes. Puis, avec le scalpel dérobé, je scierai mes poignets et lentement, sur le fumier sec j'attendrai de pourrir.
Quand tu t’éveilleras treize ans auront passé. Tu n'auras plus de chambre à toi mais, parfois, une fenêtre. Tu déplieras une Lettre, les mots seront presque effacés, quelque chose comme : "salut ... grenadine ... oiseaux turbulents ... corps poreux ... pas même souffrir ... "Tu ne souriras pas, tu ne pleureras pas. On frappera au carreau. Tu prépareras le bandeau.

Interventions à haute voix n°08, 30 septembre 1983

Bitus (1985)

Michel Valprémy

Bittus 1 (1985)
1985, LPDA