dimanche 19 juillet 2009

Il éponge les dernières bavures



Il éponge les dernières bavures, ôte les aiguilles d'une ancienne poupée de cire. Le drap colle à son ventre, à ses cuisses. Il a perdu ses phantasmes d'esclave. Toutes ses dents s'écaillent. La rue bascule inversant ses pas, la pluie n'est que pétrole, égouts et flaques. Des marins pissent et dégueulent, proposent leur viande virile. Dans la vitrine, le coiffeur souligne sa nouvelle pancarte : CONCOURS DE POUX. Il caresse des enfants contaminés, flaire des pubis douteux. Les mendiants se maquillent de vin et cousent leur braguette. Les coudes des passants 1'instruisent. Dans l'église, on solde l'indulgence-, devant les troncs, des abonnés redoutent le tilt. Des genoux ibériques râpent la mosaïque, des femmes gracieuses, mains gantées, crispent l'air de leurs éventails. Sa prière est personnelle, il la porte au pré dru, aux décharges publiques. Le Christ décoré de serpentins sourit de plaisir. Brouhaha circulaire, le mage est apparu en sa géographie d'or. Dans les restaurants, on cuit les derniers cadavres (es sauces adoucissent l'odeur d'infection), poils et plumes achèvent les allergiques. Les rémouleurs font fortune ; dans les armoires, entre les linges, on glisse les couteaux. Il titube. On a arraché ses longues ailes, il n'avait pas fini de les peindre. Il est l'écorché des planches médicales et tremble comme grand brûlé. Son sexe est un bubon. Un garçon qu'il a connu le tranche avec un sécateur. Les guirlandes s'effrangent, souillées. La fête est annulée. Les arbres gouttent. Des graviers s'incrustent dans ses espadrilles. Ses orteils se détachent, inutile de les chercher dans l'herbe des pelouses. La rivière est privée des bateaux d'hier. Les cygnes ont noué leur long cou. Plus de mémères-chantilly sur les chaises blanches, le kiosque abrite une chorale d'orphelins. Des mégots sur les escaliers, témoins d'un passage archaïque. La petite fille du marchand de gaufres s'est noyée en sa robe à pois, découpée par l'hélice du hors-bord, quelques plis de sang stagnent encore près des berges. Il ne court pas. Personne dans les cabines, plus d'odeurs d'huile, d'aisselles chaudes, de crèmes filtrantes. Des vieillards grillent des poissons sur des feux de caillebotis. Près de l'enseigne de la Croix-Rouge, des oiseaux s'activent dans une mare de vomi. Il crache de la bile sur les tables renversées et l'on ne vend plus de tabac. Il n'y aura plus d'été.

La Poire d’Angoisse n°66/67, décembre 1985

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